Irrigation
Stockage: opportunité d'adaptation
La FDSEA et les JA Sarthe ont organisé une rencontre sur l'irrigation sur l'exploitation de Thierry Poirier à Crosmières. Éric Frétillère, président d'Irrigants de France, a défendu le développement des retenues d'eau, la meilleure façon de s'adapter face au changement climatique.
"Depuis les semis de céréales de l'an dernier, les agriculteurs français et sarthois cumulent des difficultés pour effectuer les travaux dans les champs. L'eau écoulée aurait dû être stockée, les fossés et cours d'eau entretenus. Mais la réglementation et les risques font peur à tout le monde." Eric Loyau, président de la section irrigation de la FDSEA de la Sarthe, a synthétisé d'emblée le combat du syndicat pour faire reconnaître le stockage comme une absolue nécessité. A Crosmières, Thierry Poirier, éleveur de Charolaises et hôte de cette rencontre, dispose d'une réserve personnelle de 18 000 m3 depuis 1998 à cheval entre la Sarthe et Le Maine-et-Loire. Le ruissellement a créé naturellement un fossé qui, par la suite, a été classé cours d'eau par l'administration. La retenue est rattachée au bassin-versant de l'Argance, point noir sur la carte de l'irrigation sarthoise à cause de ses nombreuses restrictions. "Dans un lointain passé, Il y avait plein d'étangs. L'eau était là depuis longtemps et stockée bien avant nous." Sur d'autres terres à La Flèche, l'irrigation est assurée par Le Loir. Celle-ci est utilisée pour le maïs mais aussi pour les pommes de terre de consommation, cultivées depuis deux ans et qui nécessitent une régularité d'arrosage. Mais alors que les enfants de Thierry Poirier, Valentin (né en 1996) et Marine (née en 2000), pour l'instant salariés, se destinent à l'installation, l'exploitation se voit empêchée de créer une seconde réserve à cause du statut du fossé, classé en cours d'eau. Les surfaces de pomme de terre seront par conséquent limitées à moins de 10 hectares.
Des blocages idéologiques
De septembre 2023 à septembre 2024, les précipitations ont dépassé les 1000 millimètres dans le département. "Un chiffre excédentaire de 20 à 40 % par rapport aux normales", a souligné Marion Moineau, chargée de mission eau-environnement à la Chambre d'agriculture de la Sarthe. "C'est un mois de précipitation supplémentaire sur une année. Seuls deux mois ont été déficitaires." Les débits des cours d'eau sont par ricochet également excédentaires. Néanmoins, trois nappes sarthoises ont des tendances à la baisse depuis de nombreuses années, c'est le cas de la nappe profonde du Cénomanien dont une partie se trouve dans le sud-est de la Sarthe et qui se recharge lentement. Faire reconnaître l'agriculture comme domaine prioritaire pour l'eau, c'est le cheval de bataille d'Éric Frétillère, président d'Irrigants de France et agriculteur en Dordogne, invité de cette table ronde au sein de la stabulation de la Chamuère. "Toutes les projections disent que la France connaîtra plus de précipitations dans les périodes hivernales et moins pendant l'été. C'est pour cette raison que le stockage est un des enjeux majeurs afin de pouvoir se sécuriser face au changement climatique." Lui-même dispose d'une réserve personnelle de 240 000 m3 d'eau. "Mes terrains sont drainés et les drains réalimentent deux retenues collinaires, ce qui me permet d'être autonome sur mon maïs." Dans la Sarthe, 21 dossiers de stockage (créations, agrandissements et déconnexions) ont été déposés à la DDT depuis 2021, soit une moyenne de 32 000 m2 par projet. Seuls quatre d'entre eux ont obtenu un accord pour une réalisation. "On constate là une pression environnementale qui va contre le bon sens paysan. Vos terres regorgent d'eau ! Pourquoi ne pas la retenir en hiver ? Ce ne sera pas la solution miracle et unique dans toutes les régions de France mais si on veut préserver notre agriculture, installer des jeunes comme dans cette exploitation, les stockages feront partie des solutions." Des portes d'avenir encore trop verrouillées selon Denis Pineau : "Une des grosses problématiques aujourd'hui est la non-application dans les départements des règles négociées au niveau national et ministériel. On a affaire à une administration locale qui, en fonction de son idéologie, nous empêche d'avancer. Heureusement, il est plus facile aujourd'hui de travailler avec le directeur de la DTT actuel, lequel par sa formation agronome, a une vision plus pragmatique des choses." François Boussard, représentant du Conseil départemental, a déploré : "Les SAGES et les Agences de l'eau n'écoutent pas le monde agricole". Eric Frétillère milite quant à lui pour l'installation d'un Secrétariat général de l'eau, comme il en existe déjà un dédié à la mer, afin que la gouvernance des projets territoriaux s'applique bien à une échelle locale. Si l'eau potable et l'utilisation durable de la ressource doivent doit rester des priorités, le responsable appelle également à faire davantage reconnaître l'agriculture dans la directive-cadre sur l'eau. "L'homme a besoin d'un air de qualité, d'une eau potable et de manger. Et l'alimentation, c'est nous ! La France dispose d'un climat tempéré, de beaucoup d'eau et d'un savoir-faire inégalé. Il faut juste libérer les moyens de production. Nous souhaitons que le maximum de dossiers de stockage se concrétisent afin de montrer l'intérêt des bassins de restitution."