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Néonicotinoïdes
" On ne nous laisse pas le temps "

La Cour de justice européenne n’autorisera pas en 2023 une troisième dérogation pour l’utilisation des NNI, des molécules “expressément interdites”. Une décision qui plonge la filière betteravière dans une profonde incertitude selon Benoît Carton Directeur de la Confédération générale des planteurs de betteraves de Normandie.

Benoît Carton, Directeur du syndicat betteravier Calvados, Orne, Sarthe (CGB) regrette d’emblée une décision aussi “soudaine qu’incompréhensible qui vient déstabiliser tous les planteurs qui étaient en train de finaliser leur commande de graines pour 2023”. L’interdiction de cette troisième dérogation qui “raccourcit le calendrier” perturbe également le calendrier pour les années 2024, 2025 et 2026. “On comptait sur ces trois années pour finaliser nos essais dans le cadre du Plan national de recherche et d’innovation (PNRI). Vingt millions d’euros ont été investis pour trouver des pistes par la génétique, le biocontrôle, des essais olfactifs pour repousser les pucerons… Mais elles restent au stade de l’expérimentation et ne peuvent pas être déployées à grande échelle. On avait estimé à sept ou huit ans le temps pour que ces solutions atteignent une productivité à la hauteur de celle d’aujourd’hui. Or, aujourd’hui, les résultats des variétés censées résister aux trois virus de la jaunisse sont trop éloignés de nos attentes. On ne nous laisse pas le temps.” 

Certains planteurs ont demandé de suspendre leur commande”

Cette mauvaise nouvelle ravive le souvenir de la catastrophe sanitaire de 2020 : “La France avait déjà perdu 30 % des récoltes, soit 200 millions de pertes. Or nous n’avions été indemnisés que de 60 millions.” Le gouvernement s’est engagé cette fois à couvrir l’intégralité des pertes “du fait de l’apparition de la jaunisse”, dixit Marc Fesneau. “ Mais il y a des barrières à lever. En 2020, il y avait eu des plafonnements, des franchises… De plus, la betterave est désormais à 40 euros (la tonne) et pas à 25 comme il y a trois ans.” Benoît Carton, également Directeur de C-S2B (Coopérative de semences et services des betteraviers) préconise aux planteurs de ne pas prendre de décisions hâtives. “Certains ont demandé de suspendre leur commande. Je comprends leur inquiétude mais je leur ai répondu d’attendre les premiers caps du plan d’indemnisation. Même si je sais que les agriculteurs détestent par-dessus tout faire la manche…” La filière  pourrait donc subir des menaces d’approvisionnement dans les usines sucrières: “Quelques-unes ont déjà tourné à moins de 70 jours cette année. Si elles perdent encore 20 % de leur surface, elles seront condamnées. Ce serait du gâchis parce que les marchés se redressaient depuis un an. ” 

Quid des conséquences sur la profession dans la Sarthe qui compte 25 planteurs coopérateurs ? “ Certains se sont installés voici deux, trois ans et ce genre de décision n’est pas faite pour encourager leurs efforts. La climatologie, avec un temps plutôt sec, n’est déjà pas la plus favorable pour la betterave, et leur usine éloignée. C’est donc un frein supplémentaire…”  

 

Etienne et Guillaume Chaplain, GAEC du Bourchemin à René 

“ Un coup d’arrêt ”

Etienne Chaplain (planteur à René depuis 2012)

“ En 2020, une de nos deux seules années sans traitement de semences en enrobage, notre production avait été divisée par deux, soit 48 tonnes. Voilà pour dire qu’avec cette décision, je ne peux pas espérer faire 86 tonnes comme en 2022. On s’attendait à bénéficier de la dérogation jusqu’en 2024. Dans l’immédiat, on espère que le gel va nous aider un peu. Et je vais prévoir des doses d’insecticide homologué, le Teppeki, mais c’est un choix par défaut car cela va augmenter le nombre de passages en pulvé. Et c’est sans garantie car les pucerons sont durs à impacter. Resterait la solution de l’insecticide (l'acétamitride) en foliaire comme partout en Europe mais encore faut-il que le gouvernement obtienne une dérogation. C’est un coup d’arrêt car le prix de la betterave (40,4 euros/t) était revenu à celui de nos parents qui étaient aussi producteurs.”      

Guillaume Chaplain (planteur à Thoigné depuis 2005)

“ La génétique avance bien pour la betterave mais pas aussi vite que la politique quand elle prend ce genre de décisions par méconnaissance du monde agricole. La France semble toujours pionnière en matière de progrès sanitaire mais ses agriculteurs sont les premiers impactés. On garde malgré tout bon espoir pour l’avenir car cela va peut-être forcer les semenciers à accélérer les recherches pour des alternatives efficaces aux NNI.”    

 

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