Les Guilvard tirent
leur révérence
leur révérence
C'est une belle histoire qui s'est terminée pour le néo-retraité Eric Guilvard à la Foire du Mans. En 1982, l'éleveur de Charolaises avait à peine vingt ans quand il présenta ses premières vaches au Centre des expositions. Le week-dernier, avec son épouse Françoise, il est revenu avec nous sur plus de 44 ans d'une passion indéfectible pour l'élevage.
L'aventure a commencé lors de son installation en novembre 1980. « Mes parents étaient agriculteurs mais j'ai choisi de m'installer dans une autre exploitation. Car ils élevaient du porc et je voulais me lancer dans les bovins. » Son épouse Françoise, dont les parents étaient également éleveurs de porcs (et de VL à Pincé), l'a rejoint en 1987 avec un poulailler Huttepain de 1 200 m2, alors principalement de la dinde avant de bifurquer vers les poulets en 2010. « On a débuté avec 25 vaches et 20 ha. C'était alors la norme. Puis on a agrandi le cheptel petit à petit jusqu'à 230 bêtes et une SAU de 150 ha. » La Charolaise était alors une race au début de son expansion. Comme les contraintes administratives... « La technologie n'a rien arrangé à ce niveau-là, ajoute Eric. J'ai toujours dit que notre métier n'était pas d'être secrétaire ! » Une saillie somme toute légitime pour quelqu'un qui a toujours considéré qu'éleveur « n'était pas un travail ». Françoise acquiesce : « Eric n'a jamais eu un coup de barre, contrairement à moi. Il faut dire qu'il y avait trois enfants dont il fallait s'occuper. » Aucun n'a été rattrapé par le "virus" agricole. Qu'à cela ne tienne. Le couple a trouvé ses successeurs.
Plus de 150 prix depuis 1985
« On est fier de notre carrière même s'il y a eu des hauts et des bas : des cours de viande plutôt bas lors de la crise de la vache folle. » Mais pas assez pour effacer les bons moments, comme la présentation des meilleures bêtes lors du concours agricole manceau. Un rendez-vous jamais manqué et toujours abordé sans stress pour Eric : « Je pars du principe qu'il faut regarder devant et jamais derrière. Même lors de ma première foire. Il faut dire que l'on était seulement en exposition. » Les Rouges des prés étaient alors la première race à viande et il y avait beaucoup de croisements. Le premier concours est venu en 1985. Le début d'une moisson de prix, plus de 150 au total. Grâce à Corbeille, Galante ou encore Banane, quelques-unes des vaches les plus performantes. Cette année, le Gaec Guilvard a encore présenté sept vaches dont l'endurante Myrtille, une vache non suitée de bientôt huit ans.
Confiant pour l'avenir de la race
Le 28 février, ce sera donc la quille. Un soulagement pour Françoise qui pourra enfin « partir sur un coup de tête, un matin, pour découvrir la France ou ses pays voisins. » Une date fatidique qu'Eric, en revanche, redoute davantage: « C'est une longue page qui se tourne. Ne pas voir les bêtes le matin va sans doute me manquer au début. Mais on va habiter dans une nouvelle maison avec 2000 m2 de jardin, de quoi faire un beau potager ! Et si nos successeurs ressentent le besoin de faire appel à moi, je ne serais pas loin. On habitera à deux kilomètres du Bois Taillé. Ce sera vite fait en vélo... électrique, je précise. » Eric se dit confiant pour l'avenir de la race charolaise : « Elle n'a pas d'exigence particulière. De plus, elle valorise bien l'herbe. Après, tout dépend du gouvernement, s'il décide de vraiment faire appliquer la loi Egalim ou préfère vendre des avions à l'étranger. »
Françoise ajoute : « Les revenus de ces deux dernières années ont été à la hauteur mais ce fut parfois loin d'être le cas. En viande, c'est particulier. On peut être deux mois sans rentrée d'argent. Il faut donc toujours anticiper la trésorerie. Il y a quatre ans, on vendait le kilo de viande à 3,80 euros. Aujourd'hui, on est à 5,40. C'est une sacrée différence. »
Ce qu'on appelle partir par la grande porte. « Et en bonne santé », concluent en chœur Eric et Françoise.