Herbe
La sérénité est revenue dans les élevages
Jean-Michel Naveau, conseiller en élevage et référent fourrages à Seenovia, tire un bilan sans équivoque de la campagne d’herbe de 2023 dans la Sarthe. De bon augure pour les réserves fourragères.
Jean-Michel Naveau, conseiller en élevage et référent fourrages à Seenovia, tire un bilan sans équivoque de la campagne d’herbe de 2023 dans la Sarthe. De bon augure pour les réserves fourragères.
Quel bilan tirez-vous de la campagne d’herbe 2023 en Sarthe ?
Elle a été très bonne. Au 17 mai, les niveaux de pousse se situaient encore entre 55 et 65 kg MS/ha/jour. L’an passé, à même époque, le niveau était bien en deça (environ 30 kg, ndlr). Le 11 mai, le pic s’est situé entre 85 et 95 kg lorsque le froid a commencé à s’estomper, après les dernières gelées lors de la troisième semaine d’avril. Et l’herbe a bien poussé en permanence jusqu’à fin mai.
Est-ce lié au fait que les températures sont restées modérées après les épisodes pluvieux de mars et avril?
Oui. En avril, on a même souffert des températures froides de la nuit. Sans cela, on aurait pu donc espérer encore de meilleurs volumes pour ce mois-là. Mais pour la gestion du pâturage, j’ai trouvé cela très bien. Les éleveurs très “pâturants” qui ont réussi à “sortir” en février, bien nettoyé leurs parcelles et rentré les animaux début mars pendant la période pluvieuse ont pu profiter d’une repousse de l’herbe de qualité.
Après la faiblesse des stocks fourragers de 2022 et la sécheresse de janvier et février, ces volumes étaient indispensables…
Cela a évité un scénario catastrophe pour certains. On ne peut pas affirmer que les stocks ont été complètement reconstitués mais la sérénité est revenue dans les élevages. Certains ont débrayé des parcelles de pâturages, enrubanné et donc favorisé leur pousse derrière. Mais je connais aussi des éleveurs qui se sont laissés déborder et ont fait du gaspillage, les contraignant à broyer. Car ils sont arrivés trop tard dans les parcelles et les vaches n’ont pas valorisé l’herbe. C’est toute la technicité du pâturage.
Que préconisez-vous pour les quinze jours qui arrivent?
Pour les éleveurs de laitières qui ont bien valorisé leur herbe, rien! Cela va être de la promenade. Certains ont pu tenir avec le silo fermé pendant un mois, avant de le réouvrir il y a une douzaine de jours.
“J’ai rarement vu des conditions aussi propices pour faire les foins”
Les conditions météo ont été quasi estivales jusqu’à cette fin de semaine, avec un épisode pluvieux-orageux. Que peut-on espérer de mieux ensuite?
Que les températures journalières redescendent afin de relancer une petite pointe d’herbe et surtout tout ce qui a été fauché en foin pour récupérer le regain. Mais j’ai peu de doutes au regard des prévisions. Désormais, avec le réchauffement, il ne faut rien s’interdire et chercher les fourrages quand ils sont là, que cela soit en décembre ou en février. Et surtout sécuriser les stocks.
Les conditions étant déjà quasiment estivales, quels conseils donnez-vous aux éleveurs qui ne disposent pas de parcelles ombragées?
C’est un conseil que je donne déjà depuis une douzaine de jours: rester en bâtiment et opter pour des rations fraîches en favorisant deux distributions. C’est comme nous. Quand il fait chaud, on préfère préparer nos légumes juste avant de les consommer. N’ayant plus rien à faire brouter dans les champs, il faut les garder en bâtiment afin que les vaches ingèrent bien. Et les envoyer éventuellement la nuit pour ce qu’il reste de pâturage. Mais à plus de 25 degrés, l’herbe, c’est terminé.
Pour les foins, c’est une année également idéale?
Quantité et qualité ont été réunies. Les rares qui auraient pu se “craquer” en foin, sont ceux qui ne seraient encore entrés dans les parcelles. Car en cette fin de semaine, c’est fini les foins. L’an passé, année sèche, il nous avait manqué en moyenne 800 kilos de matières sèches par rapport à une moyenne quinquennale. J’ai rarement vu en Sarthe des conditions aussi propices en termes de pousse d’herbe et de facilités pour faire les foins.
Julien Dumur, éleveur de 120 VL à Montmirail (145 ha dont 90 d’herbe, 40 de maïs et entre 12 et 15 ha de blé) :
“Cette année, la mise à l’herbe s’est faite de bonne heure, en février. En mars, le cheptel a été beaucoup enfermé à cause des nombreuses pluies. En avril-mai, on a connu une super production qualitative. Et en juin, l’herbe n’a pas été poussante et a épié à cause de la chaleur. Après les fauchages, cela n’a pas repoussé et on va perdre en production. L’épisode pluvieux qui s’annonce en cette fin de semaine va limiter la casse. Au niveau des stocks, j’ai fait plus que le plein, avec un tiers de foin en plus. Je fais 17 à 20 balles à l’hectare. C’est impressionnant mais désormais une sécheresse succède presque systématiquement à un bon stockage.”