Ce qu'il faut retenir des annonces d'Emmanuel Macron
Lors de sa visite au Salon de l'agriculture samedi, dans un contexte électrique, le président de la République a fait un certain nombre d'annonces.
Cette édition du Salon de l'agriculture restera marquée par la tension. La traditionnelle inauguration du président de la République a été émaillée de violences d'une rare intensité. Les heurts ont provoqué un retard d'une heure et demie de l'ouverture du salon au grand public. Emmanuel Macron s'est entretenu à huis clos avec les représentants nationaux des syndicats agricoles. Lors d'un point presse, il a fait plusieurs annonces, qui restent à éclaircir.
Plan de trésorerie, "prix plancher"
Emmanuel Macron a annoncé que les sanctions prononcées envers l'aval pour non-respect des dispositions d'EGAlim seraient "reversées au monde agricole" pour financer des mesures de trésorerie. Une réunion était prévue à cet effet lundi avec les banques et les représentants de plusieurs secteurs dont l'agriculture, pour élaborer un "plan de trésorerie d'urgence". Il a demandé qu'un recensement soit fait des exploitations en difficultés.
Par ailleurs, dans le cadre du projet de loi sur les relations commerciales, Emmanuel Macron a appelé à ce que " l'indicateur devienne le prix plancher ". Il a répété: "D'ici trois semaines, il y aura un prix minimum, un prix plancher en dessous duquel le transformateur ne pourra pas acheter, et le distributeur ne pourra pas vendre". Son cabinet a assuré à la presse que ce "prix plancher" serait "opposable", sans préciser la nature de la mesure, ni sa compatibilité avec le droit de la concurrence.
"Intérêt général majeur de la nation"
Le président de la République s'est engagé à inscrire dans la loi "notre agriculture et notre alimentation comme un intérêt général majeur de la nation française". Les agriculteurs pourront "s'appuyer (sur ce principe, ndlr) face au juge, parce que c'est un métier essentiel. On pourra l'opposer". S'exprimant plus tard sur les usages de l'eau, il a également déclaré: "Je vais poser un principe simple, on va prioriser l'usage agricole et alimentaire sur les autres".
La notion d'"intérêt général majeur" avait été introduite au sujet des projets agricoles de stockage d'eau dans la PPL Compétitivité de la ferme France des Républicains. La portée d'une telle mesure serait relativement faible, selon les juristes. Lors de son allocution, Gabriel Attal avait, quant à lui, annoncé que l'agriculture serait inscrite, en préambule du code rural, comme un "intérêt fondamental de la nation" - mesure symbolique a priori sans portée juridique concrète.
"Droit à l'erreur" pour les agriculteurs
Lors de sa rencontre avec les manifestants, le président de la République a aussi annoncé la mise en place d'un "droit à l'erreur" pour les agriculteurs. "Cela n'a pas été fait dans le monde agricole. On a mis tellement d'exceptions que cela n'a pas été fait", a rappelé le président de la République, qui n'a pas précisé dans quels domaines ce "droit à l'erreur" s'appliquerait (Pac, droit de l'environnement, fiscalité...). La loi Essoc de 2018 prévoyait un "droit à l'erreur" pour tous les Français face à leur administration, mais elle n'avait pas pu s'appliquer aux agriculteurs en matière d'aides Pac, régies par la réglementation européenne.
Dérogation et séparation vente/conseil
Le président de la République a également annoncé "des engagements pour limiter les délais" d'accord de dérogations provisoires à l'usage de pesticides non-autorisés, et à "déconcentrer" ces décisions. Emmanuel Macron est revenu sur le cas de la lutte contre Drosophila Suzukii (moucheron asiatique), pour laquelle une dérogation de 120 jours avait été accordée à compter du 1er avril 2023 pour du Cyantraniliprol: "Pour Drosophila Suzukii, on a donné la dérogation un mois trop tard", a estimé le président.
Emmanuel Macron est également revenu sur la séparation de la vente et du conseil des pesticides, et l'annonce faite le 1er février par Gabriel Attal de la "suppression du conseil stratégique (sur les pesticides, CSP) dans sa forme actuelle". "Ce n'est pas celui qui vend les produits phytosanitaires qui peut faire le conseil", a-t-il déclaré, semblant fermer la voie à une suppression de la séparation de la vente et du conseil. Et de reconnaître, au sujet du CSP: "Aujourd'hui, c'est une usine à gaz. Filière par filière, territoire par territoire, nous allons chercher la méthode. Ça peut être la coopérative, ça peut-être la Chambre."
"Bâtir un plan d'avenir" à 2040
Enfin, le président de la République a annoncé, lors de son point presse, qu'il réunira les syndicats agricoles, les représentants des filières et les parties prenantes, à l'Elysée dans "trois semaines", pour "bâtir un plan d'avenir agricole à 2040, français et européen, à décliner par filière et par territoire avec des contrats d'avenir". Une initiative qui, avec l'ensemble des annonces du jour, n'est pas sans rappeler les premiers mois du premier mandat d'Emmanuel Macron en 2017, avec la demande de plans de filières à chaque interprofession, la promesse d'un "juste prix", qui "partira du coût de production", puis d'un "droit à l'erreur" avec la loi Essoc.
"Je préfère toujours le dialogue à la confrontation" a conclu le chef de l'État. "Je suis en train de vous dire que le boulot est fait sur le terrain, on a repris les copies, on est en train de faire toute la simplification", a-t-il défendu. "Tant que ce n'est pas concrétisé dans les cours de ferme, on sera sur votre dos", lui a répondu un agriculteur.