Arboriculture
Blanc manteau fatal à la Morinette
Sous le poids de la neige dans les filets, 15 000 arbres ont été déracinés sur 7 ha aux Vergers de la Morinette à Saint-Germain d'Arcé. 20 % de la production sont anéantis. La ministre de l'Agriculture était sur place lundi.
Jeudi 21 novembre, des centaines de tonnes de neige amassées sur un verger de sept hectares ont provoqué l'écroulement de 15 000 arbres de Pink Lady dont la récolte se terminait. En tombant, les poteaux, pourtant cimentés dans la terre, ont entraîné les pommiers dans leur chute, soit 7 hectares sur les 70 que compte l'exploitation de la famille Tessier. "Autour, les autres vergers n'ont pas subi le même sort, les filets ayant été roulés car la cueillette terminée", commente sur place Eric Martineau, député de la 3e circonscription. Lui-même arboriculteur à Chenu, il a perdu des filets de protection sur 1,60 ha de Reines des reinettes. "Chez moi, les filets ont juste craqué, ils se sont déchirés. Cela n'a donc pas fait coucher les pommiers." Installés en 1994, les filets, destinés à protéger de la grêle, ont résisté aux orages les plus violents, même à des tempêtes. Mais cette fois, ce sont eux qui, sous l'effet d'une dizaine de centimètres de neige, ont provoqué l'effondrement des arbres de ce verger. Âgés de 10 ans, ceux-ci étaient au climax de leur production. C'est Daniel Sauvaitre, le président de l'Association nationale pommes poires de France (ANPP), qui fut à l'origine de la venue d'Annie Genevard, ministre de l'Agriculture lundi dernier sur les lieux des dégâts.
Tout s'est écroulé en 10 minutes
Après le tour du verger, la rencontre s'est poursuivie au siège de Sica Gerfruits avec les représentants syndicaux. Son président Patrick Tessier, 70 ans, installé en 1977, avoue n'avoir jamais vu de la neige à cette période de l'année et "surtout pas de telles quantités." Il était présent au moment du sinistre en milieu de matinée de ce jeudi 21 novembre: "Entre le moment où les arbres ont commencé à pencher et leur écroulement au sol, il s'est écoulé à peine dix minutes." Le pomiculteur avoue avoir été trompé par les prévisions météo: "Ce n'est pas de la neige qui était annoncée mais de la pluie avec une température de 2°C. L'épisode était prévu plus au nord. On n'a pas plié les filets en pensant à de possibles forts coups de vent. D'ailleurs, des pommes commençaient à tomber. On a donc pris une mauvaise décision mais pouvait-on le savoir ? Il ne neige pas à deux degrés. D'autre part, il est tombé dix centimètres, soit 700 tonnes sur ce verger. Quand on s'en est rendu compte, on a voulu ouvrir les filets mais cela commençait déjà à pencher." La récolte des Pink Lady était presque terminée. "Cela s'est joué à trois jours près..." Baptiste Geoffray, gendre de Patrick Tessier et un des dirigeants de la SARL Vergers de la Morinette, nous confie à son tour: "Lors d'un épisode de grêle, celle-ci est vidangée au milieu du rang. Les filets peuvent aussi supporter une neige fine, sauf que là, c'était une accumulation de neige lourde. Heureusement, on a vite senti que tout allait s'effondrer et on a demandé à tous les employés qui commençaient à ouvrir de sortir de la parcelle. On a donc évité des dégâts humains..."
"6 à 7 ans pour retrouver un rythme de production normal"
Pour l'heure, il va falloir déblayer, retravailler le sol et planter. Surtout attendre six à sept ans pour retrouver un rythme de production normal. "Forcément, cela fragilise aussi notre main d'oeuvre." Selon l'ANPP, le prix d'un verger s'élève à environ 80 000 euros. "Les pertes sont difficiles à estimer, souligne Patrick Tessier. Elles vont fortement impacter l'exploitation, même en termes de viabilité. Ce verger s'étalait sur 10 % de la superficie mais fournissait 20 % de la production de la variété la plus rémunératrice." La reconnaissance de catastrophe naturelle va être enclenchée. "Mais cela sera sans doute un forfait qui ne sera pas à la hauteur de nos pertes." A la fin de la visite du verger, Annie Genevard interroge Patrick Tessier : "Au moment de la réinstallation du verger et des filets, tiendrez-vous compte de ce qu'il s'est passé ?" Réponse de l'arboriculteur: "Evidemment. Nous avions ici 300 mètres de câble en transversale. Nous allons les diviser en deux parties. Et on va trouver un système pour que les plaquettes lâchent quand le poids des filets se fait trop lourd. Or, là, elles sont verrouillées car lorsqu'il grêle, c'est une sécurité. Enfin, on réduira sans doute la durée de récolte des Pink Lady, quitte à perdre en production sur le troisième temps de cueillette." Selon Marc Severac, directeur de la DTT, deux autres exploitations arboricoles sarthoises ont déclaré des dégâts. "On travaille avec les services du Maine-et-Loire et de l'Indre-et-Loire, autres départements touchés, pour faire une mission de reconnaissance en cette fin de semaine."