Influenza : 40 recommandations pour faire face aux prochaines crises
Entretien avec Philippe Bolo, député Du Maine-et-Loire (MoDem et indépendants), co-rapporteur de la mission d'information sur la grippe aviaire et son impact sur les élevages, dont les conclusions ont été rendues le 5 avril.
Entretien avec Philippe Bolo, député Du Maine-et-Loire (MoDem et indépendants), co-rapporteur de la mission d'information sur la grippe aviaire et son impact sur les élevages, dont les conclusions ont été rendues le 5 avril.
Au cours de vos investigations parlementaires, vous avez traité un large spectre de sujets et proposé 40 mesures*, de l’ équarrissage à l’euthanasie, de l’indemnisation à la gestion par les services de l’état, de la problématique des élevages plein air au traumatisme psychologique et moral pour les éleveurs. Y’a-t-il un domaine où vous estimez qu’on aurait pu mieux faire ?
Non. Les règles qui étaient en vigueur au début de l’épidémie, notamment en matière de biosécurité, étaient globalement bien respectées. Mais on a été collectivement dépassés par la fulgurance et par l’ampleur de cette épizootie, et ensuite ça a été l’effet boule de neige. Par contre, désormais, et c’est l’objet de la mission que j’ai conduite avec mon collègue Charles Fournier, il va falloir en tenir compte pour l’avenir. Qu’il s’agisse de la saturation des services d’équarrissage, de l’enfouissement des volailles mortes, ou encore de l’application des mesures de claustration pour les élevages plein air, qui ont été particulièrement mal vécues par les éleveurs, nous avons fait des propositions pour ajuster les mesures de gestion et repenser certains outils.
Sur la vaccination, le ministre de l’Agriculture devrait arrêter la stratégie vaccinale courant mai. Quelles préconisations lui faites-vous ?
D’abord, nous avons rappelé que le vaccin ne constitue pas une solution miracle mais que, comme pour le Covid, il devrait permettre de limiter les risques d’emballement. En termes de stratégie, nous jugeons judicieux de démarrer par la filière canard, qui a été une des espèces vecteurs, et ensuite les autres filières. L’autre dimension est notre capacité à aller vite. Sur ce point, je suis satisfait de voir que le ministre a suivi notre préconisation de ne pas attendre pour faire des pré-commandes de doses. Viennent ensuite les questions de moyens humains de la vaccination, des moyens de monitoring qui permettront de garantir notre traçabilité pour l’export, et in fine la question de qui paye. Sur ce point, nous l’avons écrit, ce n’est certainement pas aux éleveurs de payer. Et c’est dans notre intérêt à tous que cela se déploie rapidement, car même dans le scénario de vaccination le plus complet, avec toutes les filières, cela coûterait 3 fois moins cher au contribuable que le fait de couvrir les pertes économiques comme nous l’avons fait jusqu’ici.
Vous appelez également à réfléchir à la concentration géographique des élevages ainsi qu’à la réduction de la densité à l’intérieur de chaque élevage. Tout cela est-il vraiment jouable techniquement et surtout économiquement ?
Comme vous le rappelez, ce n’est pas nous qui faisons les conclusions. Nous disons simplement qu’il y a là un sujet à explorer, car il ne l’a pas été jusqu’ici. Nous prenons cela avec beaucoup d’humilité, car nous mesurons bien tous les enjeux. D’abord, je voudrais dire que cette préconisation est le fruit de propos émis de manière quasi unanime par tous les maillons des filières que nous avons rencontrés. Car au fond, il s’agit de la résilience même des filières. Comment on s’y prend par exemple quand on a un couvoir de canard avec des bâtiments d’élevages sur un territoire, qui se croisent avec une filière poules pondeuses et ses mêmes logiques de reproduction, élevage et production ? Sur la question des densités d’élevage, qui se recoupe d’ailleurs avec celle du bien-être animal, nous pointons simplement un sujet de recherche qui n’a jamais été traité : est-ce que l’épizootie se propagerait de la même manière avec des densités inférieures ? Il serait quand même utile de le savoir. Après cela, viendrait le temps de la discussion dans les filières et le temps politique, car il serait évidemment hors de questions d’envisager de telles mesures, en dehors du cadre européen.
PROPOS RECUEILLIS PAR ARNAUD FRUCHET
* le détail des 40 propositions est consultable ICI