Nappes phréatiques : des situations toujours critiques
JAprès une année 2023 marquée par des records de chaleur et une pluviométrie supérieure à la normale, la recharge des nappes phréatiques a débuté en Sarthe. Si le secteur ouest a retrouvé un niveau proche de la moyenne, le niveau des nappes moins réactives du sud-est reste critique.
JAprès une année 2023 marquée par des records de chaleur et une pluviométrie supérieure à la normale, la recharge des nappes phréatiques a débuté en Sarthe. Si le secteur ouest a retrouvé un niveau proche de la moyenne, le niveau des nappes moins réactives du sud-est reste critique.
Avec des températures de +1,4°C au-dessus des moyennes, l’année 2023 a vraisemblablement été l’année la plus chaude depuis 1960. L’automne sarthois, en particulier, a été exceptionnel, avec un écart de 2,6 °C aux normales, et même +4°C d’écart en septembre. « Le 2 octobre est une date record avec plus de 30°C de maximale sur plusieurs postes de la Sarthe », note Lionel Salvayre, référent territorial Pays de la Loire chez Météo France. L’année écoulée a aussi été plus arrosée que la moyenne, avec, au total, un cumul enregistré sur l’année de plus de 800 mm (un peu moins de 700 mm au Mans jusqu’à 875 mm à Villaines-sous-Malicorne), réparti sur 110 à 130 jours de pluie. Si l’hiver 2022-2023, avec 146 mm, a été d’un tiers inférieur à la normale, les trois autres saisons ont reçu des cumuls supérieurs aux moyennes et notamment l’automne 2023 qui s’illustre encore. La période du 18 octobre au 18 novembre n’a connu qu’un seul jour sans pluie, le 7 novembre, avec au total jusqu’à +310% de la normale à l’ouest du département. « Sur certains postes, il a été enregistré un quart du cumul annuel en un mois de pluie continue », indique Lionel Salvayre, confirmant ainsi par les chiffres la situation constatée par la profession agricole du département.
La recharge est entamée
Conséquence de cette pluviométrie automnale marquée : la recharge des nappes phréatiques sarthoises a pu démarrer en octobre, juste après la fin de la saison hydrologique (lorsque la végétation se met en dormance), du moins pour les nappes de l’ouest du département qui sont les plus réactives -les nappes du cénomanien et du séno-turonien, situées dans le quart sud-est, plus inertielles, ont débuté leur recharge plutôt fin novembre. « Ces nappes, qui sont aussi très sollicitées par les prélèvements pour l’eau potable et l’irrigation, sont à la baisse depuis 20 ans malgré les efforts pour les préserver », rappelle Samir Brihi, chef de bureau Gestion de l’eau au Conseil départemental de la Sarthe. Les pluies enregistrées ce printemps et cet été avaient déjà permis de stabiliser la baisse, tandis qu’au mois de mars les cumuls restaient inquiétants.
Un hiver favorable ne suffira pas
Résultat : dans l’ouest sarthois, les nappes ont retrouvé un niveau proche de la moyenne, tandis que sous une diagonale allant du Lude à la Ferté-Bernard, la situation reste assez critique. Si à Bouloire la tendance est à la hausse, ce n’est pas encore le cas à Lavernat et au Lude. « Après un manque d’eau cumulé depuis plusieurs années, un déficit s’est creusé, et un hiver favorable ne suffira pas à rétablir la situation sur ces secteurs à plus forte inertie », indique Samir Brihi. Pour l’expert, il faudrait idéalement que cette pluviométrie se poursuivre jusqu’en mars, période où il y a moins de tirage naturel (par les plantes) et par les usagers (eau potable, irrigation) pour espérer avoir « une saison estivale 2024 plus sereine. » Pour affiner encore le suivi notamment des nappes les plus fragiles, le Conseil départemental prévoit dans les années à venir d’étendre le réseau de sondes piézométriques (21 aujourd’hui) suivies en coopération avec le BRGM.
Un avenir d’hivers pluvieux
Si nos agriculteurs ont peiné cet automne à trouver des créneaux pour semer, l’eau qui est tombée sera évidemment bénéfique pour l’avenir. Il faut toutefois garder à l’esprit que 2023 illustre une fois de plus le changement climatique qui est en route -à noter que sur les 9 années les plus chaudes en Sarthe depuis 1960, toutes sont postérieures à 2010. Et ce dérèglement devrait se manifester, outre l’augmentation des températures, par des précipitations réparties de façon plus hétérogènes dans l’année, avec davantage de pluie l’hiver et un déficit hydrique plus marqué l’été, compliquant la gestion de l’eau et entraînant les feux de forêts que l’on a connus l’été dernier. « Prudence donc pour ceux qui seraient tentés de faire des cultures demandant davantage d’eau l’été prochain au vu de la conjoncture favorable, surtout ceux ayant des forages dans le quart sud-est », conclut Samir Brihi.