Viande bovine
Des systèmes fourragers adaptés pour demain
Face au défi du changement climatique, les systèmes fourragers et notamment prairiaux devront s'adapter. Valoriser l'herbe en hiver ou faire pâturer le foin en bottes au champ sont quelques leviers testés pour nos futurs éleveurs.
Face au défi du changement climatique, les systèmes fourragers et notamment prairiaux devront s'adapter. Valoriser l'herbe en hiver ou faire pâturer le foin en bottes au champ sont quelques leviers testés pour nos futurs éleveurs.
Jeudi 22 juin, les éleveurs sarthois se sont réunis en nombre, malgré la pluie, sous le hangar de l'EARL Daguenet, pour la désormais annuelle journée viande bovine organisée par la chambre d'agriculture. Le thème du jour, le changement climatique et son impact sur les systèmes fourragers, a été exploré par deux intervenants en mission à l'Idele et à la ferme expérimentale de Thorigné-d'Anjou (49). La place des prairies a ensuite été débattue autour d'une table ronde animée par la conseillère en viande bovine Delphine Breton.
En matière de changement climatique, les modèles prédictifs sont unanimes : l'avenir sera fait d'hivers plus doux et d'un déficit hydrique estival plus marqué d'ici 2100. Les futurs éleveurs doivent s'attendre à une courbe de pousse de l'herbe qui va s'avancer, pour une mise à l'herbe plus précoce, un creux estival plus marqué et un rebond automnal qu'il faudra apprendre à valoriser. « L'année 2022 sera la norme. Pour l'herbe, le ray-grass, qui arrête de pousser à 25°C, sera forcément pénalisé, au contraire de la luzerne », indique Brendan Godoc, spécialiste du sujet à l'Idele. Le cycle du maïs devrait être décalé également, avec plus de ravageurs qui seront moins embêtés par le froid hivernal. La chaleur et le déficit hydrique pourraient menacer la période de floraison. « Les rendements devraient se maintenir en jouant sur la précocité des variétés, mais avec beaucoup d'hétérogénéité. »
Gérer le stress thermique
Le cheptel allaitant sera forcément impactés par cette évolution. « Une vache est un radiateur sur pattes », rappelle Brendan Godoc. Les conséquences du stress thermique sont connues : baisse d'ingestion, moins de temps passé couché donc plus de risque de boiteries, une reproduction affectée et, à termes, une baisse de GMQ. Côté solutions, le nerf de la guerre sera l'abreuvement, au pâturage et en bâtiment (la vache double ses besoins en eau entre 25 et 30°C), et la ventilation des bâtiments. Une ventilation naturelle et une couverture opaque, pour limiter le rayonnement, sont à privilégier. « Attention à la brumisation, car les bêtes perdent en capacité à évacuer les calories en trop lorsqu'elles sont mouillées », avertit Delphine Breton. Côté prairies, « l'arbre reste l'innovation technique la plus au point » pour faire baisser la température.
Des prairies à flore variée
A la ferme expérimentale de Thorigné-d'Anjou, le système naisseur-engraisseur de bœufs en bio sert de support pour tester de nouvelles pratiques. « Ses sols limono-sableux à forte alternance hydrique sont un observatoire avancé du changement climatique », souligne Bertrand Daveau, ingénieur sur l'exploitation. Les essais conduits visent à identifier des leviers d'adaptation à la fois robustes et économes en intrants.
Parmi les leviers éprouvés, la productivité numérique est le premier cité : on double la période de vêlage pour optimiser les IVV et le taux de gestation, et on abaisse l'âge au premier vêlage à 30 mois pour réduire la phase improductive des génisses. Pour améliorer la pérennité des prairies, on mise sur des mélanges de graminées et de légumineuses. « La productivité est plus élevée pour les prairies à flore variée, confirme Bertrand Daveau. Des recherches sont en cours pour travailler d'autres espèces, comme le dactyle. » Une alternative au mélange multi espèces, qui est lent à s'implanter, est le semis de prairies sous couvert de méteil. Le couvert sera récolté en ensilage ou en grain puis la prairie produira en été/automne. Des recherches sont en cours pour accroître la part de protéagineux, comme la féverole, dans le couvert, pour accroître l'intérêt alimentaire du fourrage produit.
Pâturage hivernal
L'enjeu futur sera aussi de valoriser l'herbe au moment où elle pousse, en utilisant la vache. A la ferme de Thorigné-d'Anjou, un essai exploratoire teste le pâturage hivernal ; les bovins de 450 kg de poids vif ont pâturé de mi décembre à fin février sans impact délétère sur la prairie et, à la clé, des économies substantielles de fourrage, concentré et paille. Un essai de bale grazing (pâturage de botte) en cours consiste à faire une opération de récolte sur un îlot éloigné et de faire pâturer ce foin en botte, déroulée ou non, par les animaux. « Cette technique économise le transport de foin et de fumier, et d'après les premières observations, le foin est bien valorisé, les prairies ne sont pas dégradées et les perspectives de GMQ sont intéressantes. »
Toutes ces pistes sont autant d'ouvertures pour nos futurs éleveurs qui assureront dans quelques années le renouvellement des générations.